La difficulté consiste à rendre compte du débat en laissant de côté les postures dogmatiques et surtout en ne se voyant pas réduit au soutien formel à des prises de parole que personnellement on réfute. Mais pour se faire une idée claire des enjeux, mieux vaut entendre tout. Quitte ensuite à le contester.
Je vous conseille vivement la lecture du document en lien. 75 pages qui auraient mérité un autre format, et une publication plus large. Un véritable socle commun républicain au service de tous si l'on en retire quelques digressions formelllement partisanes. Il suffirait de les remplacer par le texte intégral de la Loi de 1905 en annexe.Des personnalités de la société civile, réunies autour de dirigeants de partis politiques et de responsables associatifs ont échangé samedi 16 avril à la Maison de la Chimie (Paris) autour du thème de l'identité républicaine. Ceci en réponse à la piteuse tentative d'accaparement du questionnement sur le vivre ensemble, opérée par Nicolas Sarkozy qui entendait placer le curseur au niveau le plus bas, dans le but manifeste de cliver encore et encore. Diviser pour mieux abuser.
L'invitation avait été lancée par Jean-Michel Baylet à toute les composantes de la gauche, à leurs soutiens, et aux républicains refusant de se reconnaître dans la conception étriquée et réductrice de l'identité nationale, censée définir qui est, ou n'est pas, "ayant-droit" dans l'Hexagone. Ont participé aux débats : Arnaud Montebourg, François Hollande, Jean-Louis Borloo, Jean-Marie Bockel, Corinne Lepage, Roger-Gérard Schwartzenberg.
Madame Simone Veil a assisté à la dernière des quatre "tables rondes" mettant en débats tous les éléments du pacte républicain, malmené, menacé par ceux qui font au sommet de l'Etat mine de le défendre.
Le document ayant servi de support aux débats est disponible ici :
http://www.planeteradicale.org/IMG/pdf/Qu_est_ce_que_l_identite_republicaine.pdf -Identité et Universalité : la conception française de la nationalité, animé par R-G. Schwartzenberg, J.M. Quillardet (fondateur avec Antoine Sfeir en novembre 2008 l'Observatoire international de la laïcité), Sihem Habchi (Présidente de NPNS), Gérard Delfau (universitaire et ancien sénateur)
-Mémoire et Patrimoine : le grand récit collectif jamais achevé, animé par Joëlle Dussau (historienne), Rokhaya Diallo (militante associative des Indivisibles, journaliste), David Gozlan (Fédération Nationale de la Libre Pensée), Jean Baubérot (historien et sociologue, Président d'honneur de l'EHESS)
-Immigration et multiculturalisme : le refus des communautarismes, animé par Richard Michel (journaliste, PDG de la Chaîne parlementaire) , Hanifa Chérifi (Haut conseil à l'intégration, médiatrice à l'Education Nationale), Bernard Tepper (UFAL, ResPublica), Gilles Casanova (Gauche Moderne)
-La devise républicaine : le principe central de la laïcité, animé par Richard Michel, Françoise Laborde (sénatrice), Marie-Françoise Bechtel (conseiller d'état), Axel Kahn (généticien, président de Paris V-Descartes)
Devant un public nombreux et attentif, des débats de très haute tenue qui ont permis, aux intervenants des différentes sensibilités républicaines ayant répondu à l'invitation, de faire un état de lieux, sans concessions, mais sans surenchère. Tous ont souligné le sérieux du document de travail disponible en lien.
Ils ont dit (ordre chronologique de prise de parole) :
François Hollande : Le président de la République finissant, Nicolas Sarkozy a obscurci les débats. La laïcité est le principe unificateur de la République qui a une histoire mais surtout un avenir. On entend en boucle "ce sera plus dur pour ceux d'après" comme s'il y avait eu un âge d'or et comme si la mission de chaque génération n'était pas de transmettre plus et mieux, comme s'il n'y avait plus d'espoir de progrès.
Arnaud Montebourg : Trois guerres sur les bras, chômage endémique, dette abyssale, menottés par les établissements financiers qui contraignent les citoyens quand le tout sécuritaire entend les surveiller, les classes moyennes et populaires sommées de payer les factures... La gauche doit unir ses forces. Sommes-nous capables en 2012 d'écrire un nouveau cycle politique ?
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Identité et Universalité
Roger-Gérard Schwartzenberg : Jean Moulin ne se battait pas pour le sol mais pour un bloc de valeurs opposé à un blog de contre-valeurs fausses. L'identité selon Barrès (venue du sol, de la tradition tradition, de la province, nationaliste, close, repliée) dont Maurras put compléter le portrait en qualifiant de "divine surprise" la chute de la IIIe République. Opposée à l'identité selon Jaurès (ouverte, exempte de toute xénophobie). Et de citer Montesquieu qui, ayant à choisir entre proposer ou pas une idée au "prince" se demandait d'abord si elle était bonne uniquement pour le pays ou bonne pour le monde, "car je suis homme avant que d'être français"). Et Lennon "Imagine", tout y est. "You may say I'm a dreamer" ? Et Hugo répond : "L'utopie, c'est la vérité de demain".
Sihem Chibani : (citoyenne de papier, selon lepen ! ) Nous devons nous accrocher à la laïcité comme à une bouée de sauvetage. Elle est l'espace d'interaction sociale qui nous permet de sortir de nos "statuts". Femme, militante, musulmane, mais citoyenne avant tout. Les identités ? On sait qu'elles peuvent être meurtrières. Depuis 1980, la République n'est pas en panne mais les politiques publiques ont été un échec à cause des bornes d'empêchement placées par les fachos, qu'ils soient blancs ou verts. Je vous en supplie, ne lâchez rien ! Battez-vous, arguments contre arguments !
J.M. Quillardet : L'extrême-droite xénophobe ne prône pas la laïcité mais la catholicité, oubliant au passage que les "racines" chrétiennes sont d'abord grecques, romaines... Guéant ? On le disait bon préfet, il aurait dû le rester... La fraternité commence quand nous sortons de la fratrie... Le cosmopolitisme (terme tant décrié par les fascistes du début du XXe siècle) des idées est le fondement de la République.
Gérard Delfau : La République laïque assure la liberté de conscience. Depuis 1905. L'égalité de traitement de tous les citoyens et de toutes les CITOYENNES. Et Sarkozy par ses calculs est coupable au regard de l'Histoire. Car il n'y a pas 36 000 problèmes urgents à régler. Il y a 7 à 800 quartiers en souffrance pour lesquels la nation doit faire un effort considérable et qui prendra au moins deux mandatures... L'important n'est pas la diversité des horizons des débatteurs mais la longue marche vers la justice sociale. Tous les républicains doivent être mobilisés... Le printemps des peuples arabes est la preuve que les valeurs qui ont fondé la République française sont les valeurs qui rassemblent l'humanité. (G. Delfau publie en mai un "Dictionnaire de la laïcité" chez Armand Colin)
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Mémoire et Patrimoine A la droite "alzheimer", on rappelle que la France est le pays européen qui possède le plus grand nombre de noms patronymiques. Donc la plus grande diversité d'origines.
Jean Baubérot Deux impensés chez NS : il ne comprend pas pourquoi au pays de la "chrétienté positive" (qu'il appelle "laïcité positive") il a fallu inventer la laïcité (tout court) ni pourquoi elle est précieuse. Il demande à l'islam de s'associer à un passé idyllique qui n'a jamais existé. La laïcité est le socle de la neutralité arbitrale de l'Etat. Entre la diversité culturelle, ouverte, et l'unicité républicaine, fermée, elle est le ciment. Ce texte m'a appris des choses sur le plan des formules claires qui synthétisent. La notion de tension entre le récit mythique et l'histoire "scientifique" montre que l'historien n'est pas infaillible et qu'il peut être bousculé par le militant. Et d'évoquer la controverse Nora-Taubira sur la construction de l'histoire. Nora ne prenait pas en compte la pluralité DES histoires de France. Seule perspective républicaine : une démarche d'import-export entre les histoires des nations.
Rokhaya Diallo bi-nationale, ce qui ne veut pas dire moitié nationale d'un côté et de l'autre, mais entièrement citoyenne des deux côtés ! Militer contre le racisme en utilisant l'humour et le second degré n'est pas facile. Mais je m'y suis engagée quand j'ai constaté que malgré mon parcours, et je ne suis pas la seule, rien d'autre que ma couleur de peau ne me situait aux yeux de mes interlocuteurs. Elle me désignait automatiquement comme "exogène"... La révolte des banlieues était révolutionnaire, bel et bien. C'était une révolte des pauvres et non une révolte des communautarismes... Crispation communautariste ? A l'Assemblée Nationale, 82% d'hommes ! J'ai 34 ans, mes parents sont nés "indigènes". Ce n'est pas si lointain. Je pourrais dire "nos ancêtres les neg'marron"... Libération des peuples ? Alors il faut dire en histoire que Dien-Bien-Phu était une victoire !
David Gozlan La laïcité n'a pas besoin d'adjectifs. On désigne l'étranger comme l'ennemi sauf que l'on oublie "Si tu est différent de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis. (StExupéry). La loi de 1905 est une loi de neutralité et de concorde civile, une loi moderne et d'avenir. Les pourfendeurs disent "c'est une vieille loi"... Et alors ? La République aussi est "vieille". 1789 c'est vieux ! Il est utile parfois de s'en rapporter aux faits : le fameux "In God we trust" du dollar américain date de... 1953. Il était absent des textes fondateurs qui refusaient toute police des consciences... Tâche urgente pour un nouveau cycle politique : abolition du concordat d'Alsace-Moselle et nettoyage de toutes les lois encore issues de Vichy.... Jeanne d'Arc ? Le mythe fusionnait toutes les ligues fascistes dans les années 30, oubliant un peu vite que ceux qui l'avaient envoyée au bûcher étaient des monarchistes, royalistes, et des curés !
Corinne Lepage La devise de la République doit retrouver un sens. L'égalité ? Elle est surtout définie par les inégalités prégnantes (école, logement, travail, santé...) La laïcité est le quatrième terme, le plus fort, de l'identité républicaine... Imaginons la démocratie planétaire : pourquoi ne parle-t-on jamais de république planétaire ? Piste enthousiasmante pour un refus de la progression des inégalités comme facteur de "progrès" économique !
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J.-L. Borloo Document abouti, fondateur, qui devrait trouver un large espace de publication. Replacer la République au-dessus de tout est plus vital que tout. On entend bien que si la question de l'identité nationale est posée, c'est que la République n'y est plus, ne va plus de soi. Il y a un mouvement général sur la question des identités dans toute l'Europe. Le nomadisme dû à la globalisation amène les peuples à se raccrocher à des branches connues, à des solidarités dites naturelles. Et c'est à qui sera plus basque, ou alsacien, ou breton. Les vieilles communautés d'affect et d'intérêt. On se regroupe en tribus quand on n'a plus le sentiment d'être des citoyens. Et l'on assiste au morcellement social, au délitement, à la division, à la dénonciation. On passe de l'indifférence à la haine. (citation d'Amin Maalouf et de ses "Identités meurtrières") La République n'a pas à imposer d'assignation à résidence identitaire.[center]
A suivre (pages de notes...) ;-))